« La portée de l’ombre » semble le complément, le miroir, le reflet, le jumeau ré-interrogé du premier ouvrage de Pascal Szkolnik : « Ombre portée » . Nouveaux soleils et nouvelles ombres… Fidèle à sa puissante logique intérieure de photographe, il réétudie et ré-approfondit ses recherches sur l’ombre, tel un peintre remettant sa toile sur le chevalet.

Pour comprendre la logique de sa démarche, il convient de comparer les deux ouvrages et de suivre la manière dont certains de ses thèmes sont ici revisités :

-Un même cadran solaire, une même heure, oui mais avec une nouvelle perspective : des ouvertures, fenêtres et arche qui la relativise. Le temps rattrapé par l’espace… (p. 11) Peut-être aussi là cette grande roue du temps… (p. 13)

-De mêmes branchages, mais cette fois-ci flous, pointillistes et avec, en contrepoint, des trous de classeur qui permettrait possiblement de les ranger… Ou sont-ce des lunes (au choix) qui pourraient apparaître dans ce mystérieux ciel d’arrière-plan ? (p. 17)

-Un nouveau jeu de silhouettes humaines, mais démultipliées ici en épi, comme les aiguillons agressifs d’un oursin interdisant leur approche (p. 19). Les personnes vont dans un sens mais leur ombre vers l’opposé. La photo suivante s’appelle d’ailleurs « l’épine », celle qui empêcherait de marcher…

-Une nouvelle ombre de chaise, mais où cette fois, les lignes parallèles masculines cèdent la place à une forme féminine toute en rondeur. Il en dit : « Aussi fine qu’une dentelle, je pourrais m’appeler Mademoiselle, « Miss ». Il choisit vraisemblablement cet anglicisme pour se permettre l’ambiguïté du titre entre « chair » en anglais (la chaise) et « chair » en français (l’objet de la sensualité). (p. 31)

Tout créateur a éprouvé le sentiment qu’une œuvre n’était jamais qu’une proposition possible sur un sujet et que son drame induit était d’en exclure les autres. Alors, Pascal ose calmement continuer l’aventure et proposer un « tome 2 ».
Il est particulièrement émouvant de constater que la dernière photo du fascicule représente son père. Voici ce qu’il m’écrivit à ce propos  : «  Ryszard est mon papa et il vient d'avoir un cancer... Je lui ai rendu visite, pendant mes vacances puis à un moment donné le soleil est entré dans la cuisine pour dessiner l'ombre portée de son visage...il était assis contre le mur, la tête légèrement penchée, fatigué...  » Nul besoin de commentaire à la lumière (à l’ombre  ?) de cette œuvre pour souligner à quel point les photos de Pascal Szkolnik   s’ancrent dans l’émotion, dans l’essentiel, dans l’existentiel même, mais toujours avec cette pudeur qui le caractérise, l’allusif plutôt que le démonstratif. La preuve  : il ne parle toujours que de l’ombre. Et il en dit  : «  Nous cherchons à laisser des traces de notre passage. L’ombre portée, elle, n’en laisse jamais». Sauf, bien sûr, dans ses photographies…

 

Alain Kleinmann 2020

Exposition au Centre d'art de Richelieu - 2020

 

sculptures de Michèle RAYMOND




 

OMBRE PORTÉE / PORTÉE DE L’OMBRE

 

L’ombre est cette autre partie du monde qui l’accompagne, le double, le transforme, le transcende, quelquefois l’explique. Les très belles recherches photographiques de Pascal Szkolnik autour de ce thème illustrent magnifiquement ces fonctions. Le sujet et l’objet sont remplacés par leurs ombres avec parfois la persistance allusive d’un détail du réel, comme il le dit lui-même. Ce-faisant, il crée une sorte de jeu de piste où nous sommes convoqués à restituer l’image source de réalité en même temps que nous découvrons les mystères et la complexité de sa projection, et donc de toute sa « portée »… Le premier sentiment du spectateur est sûrement cette enquête sur l’identification du sujet vers laquelle il nous convie nécessairement. Aucune image n’est donc primaire, toutes sont secondarisées et polysémiques. La photo n’est plus une image simple, mais un objet de réflexion sur le Réel. L’intérêt et la modernité de ce concept ne peuvent nous échapper… Le second sentiment, peut-être encore plus important, est la proposition esthétique, on pourrait dire graphique qu’offre l’image. Nous nous retrouvons soudain devant un univers de dessinateur ou de peintre avec des lignes, des structures, des formes abstraites, quasiment noires sur fonds blancs. Tout cela se transforme alors en une émotion puissante et précise comme peuvent la provoquer des expositions de Pierre Soulage, d’Hans Hartung, d’Abstraction Géométrique ou d’Op Art. Les végétaux, les bancs, les bicyclettes, les piétons, les lampadaires tout à coup n’existent plus et laissent alors place à un monde de pur graphisme noir et blanc digne d’un grand dessinateur. C’est avec attention et intensité qu’il nous faut savoir scruter les images de Pascal Szkolnik…


 Alain Kleinmann
Octobre 2017
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De la lumière à l'ombre

 

 

Après mon travail sur les Travailleurs / Workers et l'hommage rendu aux hommes de l'ombre que j'ai mis en lumière lors d’une exposition au moulin de la Filature (36), je me suis intéressé à ce mot  : « ombre ».

Ombre chinoise
Pénombre
Se mettre à l'ombre
Coin d'ombre
Ombre fugace...

Expressions que nous connaissons mais celle à laquelle je suis le plus attaché est :  « l'ombre portée »
La lumière révèle les formes architecturales, végétales et humaines, en créant les ombres qui redessinent celles-ci. Je sélectionne un sujet, je le cadre dans son environnement puis observe ces dessins et formes noires que je fige en photographiant un instant « T » choisi de la journée. Je mets en scène ma production de façon à ce que cette ombre portée (l'archétype) devienne l'objet. Une partie réelle du sujet reste en général présente sur mes prises de vues. A cheval entre l'abstrait et la figuration, la réalité et sa trace à l’intérieur desquelles l'ombre et la lumière jouent les amants.

 

Pascal Szkolnik


exposition 2019 -Moulin de la Filature - France






 

Shadow is that other part of the world that accompanies it, doubles it, transforms it, transcends it, sometimes explains it. Pascal Szkolnik's very beautiful photographic research around this theme magnificently illustrates these functions. The subject and the object are replaced by their shadows, sometimes with the allusive persistence of a detail of reality, as he himself says. In doing so, he creates a kind of treasure hunt where we are summoned to reproduce the source image of reality at the same time as we discover the mysteries and the complexity of its projection, and therefore of all its "reach" ... The first The viewer's feeling is surely this inquiry into the identification of the subject to which he necessarily invites us. No image is therefore primary, all are secondary and polysemic. The photo is no longer a simple image, but an object of reflection on the Real. The interest and the modernity of this concept can not escape us ... The second feeling, perhaps even more important, is the aesthetic proposal, one could say graphic that offers the image. We suddenly find ourselves in front of a world of draftsman or painter with lines, structures, abstract forms, almost black on white backgrounds. All of this is transformed into a powerful and precise emotion as provoked by Pierre Soulage, Hans Hartung, Geometric Abstraction or Op Art. Plants, benches, bicycles, pedestrians, streetlights suddenly no longer exist and then give way to a world of pure black and white graphics worthy of a great draftsman. It is with attention and intensity that we must know how to scrutinize the images of Pascal Szkolnik ...

 

 Alain Kleinmann
Octobre 2017
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From light to shadow

 

 

 

After my work on « Workers » and the tribute paid to the men in the shadows that I brought to light during an exhibition at the Moulin de la Filature (36), I became interested in this word: "shadow ".

 

 

 

Chinese shadow

 

Twilight

 

Put yourself in the shade

 

Shadow corner

 

Fugacious shadow ...

 

 

 

Expressions we know but the one I'm most attached to is the « drop shadow »

 

The light reveals the architectural, vegetal, and human forms, creating the shadows that redraw them. It is these black drawings and shapes that I observe, photography to stop this "T" moment of the day. I stage my production so that this drop shadow (the archetype) becomes the object. A real part of the subject remains, in general, present on my shots.

 

Between abstract and figuration, reality and its trace ...

 

 

 

Pascal Szkolnik